Les communautés de coélaboration de connaissances assistéespar l’IAG: nouvelles perspectives.

« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. »
Et si maintenant on pouvait plus vite ensemble, ne serait-ce pas le meilleur des deux mondes?
L’intelligence artificielle générative (IAG) s’impose, disons-le, autant en affaires, que dans l’éducation ou dans la recherche. Bien que controversée, si on se penche sur un aspect plutôt positif de cette infiltration progressive, l’IAG agit souvent comme un accélérateur. Dans les communautés de coélaboration de connaissances (CoÉco), là où l’intelligence collective est au cœur des interactions, l’IAG devient pratiquement un membre additionnel à la communauté. Elle incarne successivement plusieurs rôles et aide notamment les membres à organiser leurs idées d’une manière jamais vue auparavant. C’est ce que les membres d’un groupe de onze personnes étudiantes ont observé à l’automne 2024 dans un séminaire-atelier facilité par madame Thérèse Laferrière, professeure titulaire à l’Université Laval.
Vous avez des doutes sur l’appauvrissement de la pensée critique et sur les enjeux éthiques? Explorons les nouvelles perspectives entourant cette révolution technologique.
L’IAG dans les CoÉco
Selon Scardamalia (2002), les CoÉco sont des environnements qui favorisent l’amélioration progressive des idées. Pour ce faire, les membres échangent et améliorent leurs idées dans un processus itératif jusqu’à ce qu’ils fassent converger les idées vers un problème partagé qu’ils tenteront de résoudre. Ce processus demande du temps d’écoute et de lecture, mais aussi du temps d’analyse, de réflexion, de synthèse et de rédaction. C’est alors qu’entre en scène l’IAG qui, avec ses différents rôles, vient accélérer tout le processus! Afin de conceptualiser et d’organiser les différents rôles que l’IAG peut apporter à une CoÉco, cette nouvelle typologie en trois axes a été brièvement présentée lors de l’évènement BOOTCAMP numérique et IA qui a eu lieu à l’Université Laval le 13 février 2025.

Le A que forment « L’AXE FONCTIONNEL » et « L’AXE DYNAMIQUE », illustre par la juxtaposition,comment l’IAG est fortement présente dans les premières phases de la réflexion. En effet, en début de parcours, les fonctions de l’IAG sont notamment de résumer et de traduire des textes, ce qui requiert une intervention minime. Puis, les rôles se distancent progressivement à mesure que les phases de maturité progressent pour laisser plus de place à la réflexion critique et au jugement humain.
On voit que, au-delà de l’accélération du processus, l’IAG favorise aussi l’inclusion, une valeur humaniste fondamentale aux yeux de l’UNESCO. Par exemple, en reformulant des contributions pour des personnes ayant de la difficulté à structurer leurs idées et en les traduisant dans une autre langue, l’IAG aide à soutenir les échanges en réduisant les barrières linguistiques et cognitives et permet à un plus grand nombre de participants d’interagir activement.
Autre aspect bénéfique, la très grande capacité des outils d’IAG à synthétiser des masses de documents. Elle peut faire ressortir des tendances, des points forts ou des récurrences. On peut ainsi éliminer des répétitions ou encore dégager une piste prometteuse qui pourra éventuellement devenir un problème partagé. Avant l’arrivéede l’IAG, cette analyse laborieuse nécessitait souvent, en contexte éducatif, l’intervention de la personne enseignante et son précieux savoir. Aujourd’hui, dans la foulée de la transformation des rôles en éducation, le dernier rapport de l’UNESCO mentionne que le rôle des professeurs évolue rapidement vers celui de guide,pendant que les étudiants deviennent des agents semi-autonomes, capables de dialoguer avec plusieurs IAGpour approfondir leurs réflexions.
Mais si l’IAG facilite la collaboration, ne risque-t-elle pas aussi d’appauvrir la réflexion humaine? Les opinions sont partagées à ce sujet. Du côté de la recherche, des études comme celle de ces deux chercheuses du Texas,Tina Gada et Shreya Chudasama, ont prouvé que l’IAG améliore significativement les compétences analytiques et la pensée critique. Par ailleurs, du côté du gouvernement du Québec on considère prudemment qu’uneassistance systématique pourrait réduire l’effort cognitif et entraîner une dépendance aux suggestions de l’IAGau détriment de l’esprit critique.
Défi et enjeux éthiques
Évidemment, l’intégration de l’IAG dans les CoÉco n’est pas seulement teintée de rose. Les questions liées à la confiance, aux considérations éthiques et au besoin de transparence sont primordiales. À commencer par la transparence, certains chercheurs revendiquent la nécessité de systèmes d’IAG explicables (le XAI), qui permettent aux utilisateurs de comprendre la raison d’être des idées générées par l’intelligence artificielle. Pour l’heure, c’est un domaine encore en pleine expansion qui fait face à de nombreux défis techniques et conceptuels.
Un autre sujet chaud concerne les biais algorithmiques qui peuvent engendrer stéréotypes et autres problèmesd’inclusion. La façon d’entraîner les modèles peut faire en sorte d’uniformiser les réponses et de lisser la diversité des points de vue. Ce qui irait à l’encontre de certains principes de coélaboration de connaissances.
Ce que certains appellent l’IA dégénérative est bien illustré dans cet exemple populaire sur les réseaux sociaux.

Cet exemple renforce l’importance de prendre en compte l’axe éthique et humain de la nouvelle typologie afin d’en faire un usage adéquat. En effet, cet axe vertical agissant comme une sentinelle qui veille au bon fonctionnement des CoÉco, propose notamment de se sensibiliser aux régulations entourant l’usage des outils d’IA et d’en faire une utilisation saine et intelligente qui place toujours l’humain et ses compétences à l’avant plan.
Pour terminer avec ce survol de l’IAG dans les CoÉco, bien que certains enjeux éthiques subsistent encore, nous pouvons affirmer que les différents chapeaux de l’IAG lui donnent le potentiel d’accélérer le processus et d’enrichir non seulement l’expérience des CoÉco, mais aussi celle de la recherche et de tout autre type de projet. À ce sujet, lors des derniers Entretiens Jacques-Cartier, un participant a soulevé le débat en proposant l’idée ambitieuse de faire des doctorats en deux ans au lieu de quatre. Qu’en dites-vous? Prophétie ou folie?