Apprendre en travaillant : Quelques notions sur l’apprentissage dans le flux de travail
Lorsqu’on conçoit de la formation en entreprise, il faut se rappeler que nos apprenants sont avant tout des employés. Et qu’est-ce qui caractérise les employés aujourd’hui? Ils ont, entre autres, très peu de temps pour se former.
En 2015, une étude de Deloitte, menée par Josh Bersin, analyste d’apprentissage et spécialiste notamment en ressources humaines et formation, révèle qu’un employé moyen a moins de 25 minutes par semaine à accorder à la formation, ce qui représente environ 1 % d’une semaine de travail. De même, le rapport 2018 de LinkedIn sur l’apprentissage en milieu de travail conclut que le peu de temps dont disposent les travailleurs pour se former constitue le plus grand défi pour les gestionnaires en matière de formation.
Comment adapter en conséquence la formation en entreprise ?
Au lieu de créer des périodes de formation qui viennent interrompre la journée ou la semaine de travail d’un employé, on peut imaginer que l’apprentissage se fonde dans le flux de travail. C’est simple : apprendre en travaillant, pour que la formation n’empiète pas sur le temps de travail.
C’est l’idée derrière ce que Josh Bersin a appelé l’apprentissage dans le flux de travail (« learning in the flow of work »), qui est, selon lui, le nouveau paradigme de la formation en entreprise.
Cette forme d’apprentissage est inspirée de la manière dont les travailleurs agissent lorsqu’ils se trouvent devant un défi : ils vont chercher les informations qui leur permettront de le relever. Bonjour Google et Youtube ! Sauf que l’apprentissage dans le flux de travail est beaucoup plus efficace qu’une recherche Google : il implique une formation de qualité, adaptée à nos besoins et à portée de main, qui peut être suivie au moment où on en a besoin.
Quelques exemples
Le micro-apprentissage peut sembler idéal pour supporter l’apprentissage dans le flux de travail. Par exemple, je dois utiliser un nouveau logiciel pour effectuer une tâche ? Juste avant de m’en servir, je regarde un vidéo de 3 minutes sur les fonctions principales du logiciel.
Qu’il soit en format micro ou macro, le contenu d’apprentissage doit avant tout être facile d’accès. On peut le trouver avec une recherche par mot clef ou encore mieux, il est accessible via la plateforme principalement utilisée par l’équipe : même pas besoin de changer de fenêtre!
Plus que de rendre la formation accessible, certains la proposent aux employés, créant ainsi des opportunités d’apprentissage. Si les employés travaillent avec du matériel non électronique, il est possible, par exemple, d’afficher des check-lists à différents postes de travail ou d’ajouter des codes QR à du matériel qui une fois scannés par le téléphone, donnent accès à une formation mobile pertinente.
Les modules de formation ne constituent toutefois pas la seule avenue possible : pourquoi ne pas supporter l’apprentissage dans le flux de travail en créant un espace pour le coaching ou l’apprentissage collaboratif ? Ainsi, lorsque je me retrouve devant une décision difficile au travail par exemple, je peux consulter mes collègues ou d’autres professionnels sur la plateforme collaborative et ainsi, profiter de leurs expériences et conseils.
Enfin, on peut même imaginer que je consulte un chatbot sur un sujet complexe, qu’un assistant virtuel me fait des suggestions pour mieux servir un client dans un centre d’appel ou qu’un chirurgien utilise la réalité augmentée pour mieux se situer par rapport au corps de son patient.
Une pluralité de définitions
Dans chacune des situations mentionnées, la formation interrompt plus ou moins le flux de travail. Les avis des spécialistes divergent sur ce qui constitue ou non de l’apprentissage dans le flux de travail, selon le niveau d’interruption du flux de travail. Par exemple, lorsque je dois suivre un module de formation en rapport avec une tâche que je m’apprêtais à faire, ai-je interrompu mon flux de travail ?
On retrouve donc différentes définitions de notre concept, certaines étant plus restrictives que d’autres. Le spécialiste en formation Bob Moscher fait partie de ceux qui ont une conception plus étroite de l’apprentissage dans le flux de travail. Pour Mosher, il faut faire la différence entre l’apprentissage disponible dans le flux de travail et l’apprentissage pendant le flux de travail. Aussitôt que je sors cognitivement du flux de travail, je ne suis plus en train d’apprendre en travaillant. À l’opposé, pour certains, comme Andy Lancaster, il suffit que l’apprentissage soit disponible pendant le travail, dans l’environnement de travail, pour qu’il tombe sous le concept de « learning in the flow of work ».
Quels sont les avantages de l’apprentissage dans le flux de travail?
Un apprentissage adapté à son horaire permet bien sûr de gagner du temps, mais les avantages ne s’arrêtent pas là.
D’abord il y a une meilleure rétention des apprentissages. Comme les apprenants se forment au moment où ils en ont besoin, ils utilisent aussitôt leurs nouveaux acquis, ce qui diminue la probabilité de les oublier.
Les employés sont aussi beaucoup plus motivés à apprendre puisque l’apprentissage survient lorsqu’ils ont concrètement besoin de se former pour avancer dans leur travail. Au contraire, lors des formations traditionnelles, les employés peuvent être démotivés, car ils ne voient pas l’utilité de changer leurs habitudes.
Quels sont les défis pour les concepteurs pédagogiques?
L’apprentissage dans le flux de travail demande aux concepteurs d’avoir une connaissance exacte et précise du quotidien des employés, pour s’assurer de lui offrir au bon moment et au bon endroit des opportunités d’apprentissage pertinentes. Heureusement aujourd’hui, cette connaissance peut être améliorée par la technologie.
Il faut aussi garder en tête que l’apprentissage dans le flux de travail ne peut pas répondre à tous les besoins de formation. Le défi pour les concepteurs, c’est de savoir quand et comment l’intégrer pour qu’elle remplisse sa fonction, soit augmenter la productivité, la performance et la motivation des employés!
Une fois qu’on accepte de relever ces défis, on peut réalistement aspirer à améliorer l’apprentissage en entreprise grâce à l’apprentissage dans le flux de travail.