Edouard Rotondo, président de Studio 7 Communications, discute de la conception pédagogique avec les étudiants du cours Design de systèmes d’enseignement et de formation
Dans le cadre du cours TEN-7006, Design de systèmes d’enseignement et de formation, de l’Université Laval, nous avons eu la chance d’accueillir Edouard Rotondo, président de Studio7, lors de notre séance du 20 février 2020. Studio 7 est une agence de création de contenu de formation sur mesure basée à Montréal. Elle offre des expériences d’apprentissage uniques grâce à son équipe de professionnels pluridisciplinaires composée de spécialistes en formation, en communication et en production numérique. Lors de cette rencontre, Edouard Rotondo, a répondu à plusieurs questions sur le design pédagogique et le métier de concepteur pédagogique.
Qui sont les membres d’une équipe qui travaillent sur un projet de formation ?
En agence, une équipe de projet est formée de :
- Concepteurs pédagogiques avec des responsabilités différentes. Le plus expérimenté des deux supervise et valide les propositions de l’autre qui se charge de la conception du contenu de formation proprement dit.
- Gestionnaires de compte, qui développent la relation avec le client et les contrats ;
- Gestionnaires de projet qui gèrent le calendrier des délais le budget, etc…
- L’équipe de production composée de graphistes, d’illustrateurs, d’infographistes, de producteurs médias, de programmeurs et de supports techniques.
Ensemble et grâce à l’expertise de chacun d’eux, des projets innovants voient le jour.
Combien de temps dure, en moyenne, un projet (de l’analyse des besoins à la conception/évaluation sommative) ? Comment peut-on déterminer ce temps ? Le calendrier d’un projet ? Son budget ? Le coût du programme ?
Pour avoir une idée de la durée d’un projet, il est intéressant de consulter le site de Bryan Chapman, sur lequel il met à jour son analyse de la durée moyenne pour la réalisation d’un cours en ligne. Par exemple, une formation d’une trentaine de minutes peut prendre entre 150 et 200 heures dépendamment du contenu proposé, des illustrations, des interactions ou autre.
À titre d’exemple, avec une équipe composé d’une vingtaine de personnes, Studio 7 mène environ 500 projets par année. Cependant, il est difficile de déterminer le coût d’un programme car cela dépend de la tarification et du nombre d’heures nécessaire à sa réalisation. De même pour le budget.
Pour le calendrier, il est plus judicieux de travailler à reculons en ayant comme point de départ la date à laquelle le client souhaite que la formation lui soit livrée. À partir de cette date, il faut mettre en place un rétro planning. Idéalement, il faut douze semaines pour réaliser une formation. Ainsi, il est important de bien communiquer avec le client et de déterminer les moments clés où il souhaite avoir un retour.
Quel est le secret d’une équipe efficace ?
Les quinze années d’expérience de Studio 7 est un des facteurs de réussite indéniable. Cela a permis de mettre en place une méthodologie très détaillée grâce à l’exploration de chaque étape afin que chacune d’entre elles puisse être plus agiles.
Chaque concepteur gère à lui seul une quinzaine de projets. Ainsi, il doit savoir jongler entre les différents projets qui sont tous à des étapes de réalisation différentes. Pour cela, l’utilisation d’outils de gestion de suivi rigoureux est judicieux, afin d’avoir une vue d’ensemble des différents projets en cours. Ainsi, la collaboration est tout aussi indispensable au sein d’une équipe qui se veut efficace.
En effet, la directive de base est que chaque membre de l’équipe à son domaine d’expertise, il doit donc se concentrer sur son propre domaine afin de perdre le moins de temps possible. Il est aussi important de travailler en étroite collaboration avec le client et de lui demander constamment son avis et sa validation à chaque étape du projet afin d’éviter toutes pertes de temps inutiles. Par exemple, proposer plusieurs bandes sonores afin que le client choisisse celle qui lui paraît la plus adéquate.
De plus, l’équipe reste constamment à l’affût des nouvelles technologies pour cela elle voyage, assiste à des réunions et aux meilleures conférences. Le véritable secret est ne jamais arrêter de s’éduquer. C’est pourquoi, l’équipe de Studio 7 est constamment en train d’étudier. Les concepteurs pédagogiques par exemple, se rencontrent une fois toutes les deux semaines pour échanger sur les nouvelles idées et les tendances du moment.
Qui apporte le contenu ? Que faites-vous quand vous n’avez pas accès à vos apprenants ?
Il serait impossible de ne pas avoir accès à un expert contenu. Une des choses stipulées dans le contrat est d’avoir un expert contenu car, sans eux, les projets sont rarement acceptés. Ces experts contenus peuvent être des professionnels qui exercent leur métier depuis un certain temps et qui ont un savoir à transmettre.
De plus, Il est rare d’avoir accès aux apprenants, d’où l’importance d’avoir accès à un expert contenu. Le rôle du concepteur pédagogique est d’écouter attentivement ces personnes et leur poser les questions pertinentes pour créer la formation la plus adéquate possible afin de cerner au mieux les apprenants. À titre d’exemple, pour une formation d’une trentaine de minutes, on aura besoin d’un SME environ 15 heures.
Quelle méthode préférez-vous utiliser, ADDIE ou AGILE ?
La méthode Addie est très longue rendant la réalisation d’un projet peut prendre entre six et dix mois. C’est pourquoi, Studio 7 tend à être plutôt AGILE. Cette méthode permet de se rendre rapidement au produit pédagogique, de le modifier et éviter de se rendre compte tardivement de certains problèmes qui pourraient survenir.
Quel est le profil général de votre clientèle ? Quel type de projet est le plus souvent mis en place ?
Studio 7 est dans une quarantaine de marchés où les apprenants sont des adultes. La clientèle est assez variée et demande souvent des formations liées à la prise d’un nouveau poste, aux codes éthiques, aux réglementations et beaucoup d’autres liées à la santé et sécurité au travail. Concernant l’éthique, une formation a été mise en place avec l’Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec, concernant la capture de données par les infirmiers dans les laboratoires.
Comment utilisez-vous les jeux sérieux dans les formations que vous mettez en place ?
Il est possible d’utiliser des jeux existants et leurs mécaniques en modifiant, les couleurs, les formes, le design afin de les adapter au contexte d’enseignement. Par exemple, utiliser un jeu tel que Candy Crush pour renforcer un message de processus car le jeu se base initialement sur une mécanique de correspondance. Quizz Up qui est un jeu de questionnaire, peut s’adapter à un contexte qui demande un renforcement de niveau des connaissances et Mountains, jeu de rôle assez complexe, peut s’adapter à la formation en montrant l’impact de certaines décisions sur des situations types.
Créer une narration ne sollicite pas les mêmes compétences que rédiger un texte : quels seraient vos conseils pour une narration réussie ?
Pour cela, il est essentiel de bien connaître les apprenants et la culture de l’entreprise, car plus on les connaît et plus on est capable d’écrire pour eux. Afin de bien connaître la culture de l’entreprise il existe des modèles d’analyse qui permet de passer à travers des thématiques afin de mieux cerner la culture de l’entreprise. Puis, on planifie à l’avance avant d’écrire, c’est-à-dire, qu’ont créé le plan du module et le document de conception. De plus, il est important d’utiliser une voix active et de rester rigoureusement sur le sujet. Néanmoins, cela n’empêche pas l’utilisation d’un langage conversationnel à la fois informel, direct et adapté car, les apprenants ont besoin d’être guidés et de savoir quoi faire.
Un profil jeune diplômé (en DESS, par exemple) peut-il être embauché dans votre structure et être formé en interne ou doit-il augmenter son niveau de diplôme ? S’il doit augmenter son niveau, avec quel type de diplôme (la maîtrise en Technologie éducative ?)
Être diplômé d’un DESS ou d’une maîtrise n’a pas une grande importance. Ce qui est un véritable atout est d’avoir étudié dans le domaine des technologies éducatives car les diplômés de ces programmes ont suivi les cours fondamentaux qui leur permettent d’avoir des bases solides et donc, d’être concepteur pédagogique.
La maîtrise bonifiera la formation par des cours techniques ou encore ceux de gestion de projet. Néanmoins, la sélection à Studio 7 se joue principalement sur deux critères : la valeur ajoutée que chaque postulant considère comme lui étant propre et le fait qu’ils soient francophones. Peu de concepteurs pédagogiques parlent français tandis qu’un marché francophone conséquent tend à se développer.
Quel type de profil de collaborateur recherchez-vous ?
Dans ce milieu, il faut être capable de jouer avec de multiples projets. Les concepteurs sont des gestionnaires de projets qui doivent continuellement se former car il est essentiel de bonifier leur expertise.
Y a-t-il une personne plus orientée vers l’analyse de besoins pour les entreprises et un autre en conception pédagogique, ou sur chaque projet chacun participe de l’analyse de besoins à la conception pédagogique ?
Les concepteurs pédagogiques s’occupent d’une grande partie du processus de mise en place d’une formation allant de l’analyse à l’évaluation. Cependant, il y a un partage des tâches entre eux car au fil des expériences chacun finit par se créer des zones de confort. Ainsi, seule la partie production n’est pas mise en place par les concepteurs pédagogiques.
Quelles sont les bonnes pratiques que vous pouvez nous conseiller pour rester à jour ?
Le métier de concepteur pédagogique implique une mise à jour continuelle de nos connaissances afin de rester impliqué.
Pour rester à jour, il est conseillé d’être très actif sur le réseau social Linkedin, qui est une véritable mine d’or, et d’élargir son réseau. Il est possible d’accéder via ce réseau à des livres gratuits sur le sujet, aux dernières tendances dans le domaine grâce au partage d’informations . Une autre méthode toute simple est de faire des recherches en ligne en utilisant des mots clés en anglais comme “e-learning best practices” car actuellement, la majorité des recherches et des trouvailles sont disponibles en anglais. De même, les sites E-learning Heroes ou E-learning Industry sont de bonnes ressources afin de rester à jour.
Quelles sont les étapes d’un projet d’adaptation d’une formation existante à une formation en ligne asynchrone ?
La meilleure méthode est de capturer une vidéo du cours, permettant ainsi d’avoir accès à de l’information supplémentaire qui bonifie le cours, et qui n’est pas forcément dans les notes. Il est aussi intéressant d’analyser le contenu du cours surtout s’il n’est pas possible d’assister à un cours en classe. Dans le cas où les éléments cités ci-dessus ne sont pas à la portée du concepteur pédagogique, une discussion avec les SMEs devient indispensable.
Comment identifier les compétences qui peuvent être transposées des cours en présentiel à ceux en synchrone ?
Il peut être difficile de transposer des cours en présentiel en ligne, d’où la nécessité de travailler étroitement avec le SME. Ce dernier pourrait aiguiller les concepteurs pédagogiques en leur fournissant des éléments qui seront absolument critiques.
Il est préférable de transformer le contenu plutôt que de le transférer. Le contenu et le contexte détermineront le format à adopter.
Quel est le rôle du concepteur pédagogique avec sa relation avec le client ?
Un concepteur pédagogique doit guider ses clients à travers le processus de mise en place de formation car cela peut être extrêmement stressant pour ceux qui sont extérieur à la profession et au milieu.
Certains clients ne comprennent pas ce qu’un concepteur pédagogique réalise. C’est pourquoi, il faut pouvoir justifier que la solution choisie est la meilleure et le client doit être motivé et convaincu que la solution proposée est effectivement la meilleure.
Voici 25 minutes d’extraits de la rencontre qui a duré 3h15min.