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Patients connectés, savoirs amplifiés : le numérique au service des patients apprenants

5 mars 2025

Quand apprendre devient une nécessité pour les patients

Être atteint d’une maladie chronique, c’est devoir apprendre en continu : comprendre sa condition, naviguer dans la complexité du réseau de la santé, gérer ses traitements au quotidien, repérer d’éventuels signes d’aggravation et échanger avec les équipes soignantes entre autres choses. Pourtant, cet apprentissage reste souvent informel, intuitif, et mal soutenu, alors que le risque que des informations erronées ou trompeuses circulent subsiste. Comment mieux accompagner les personnes patientes et proches aidantes dans cette montée en compétence?

Pour structurer cet apprentissage, le Centre d’excellence sur le partenariat avec les patients et le public (CHUM), en collaboration avec des personnes ayant un vécu avec la maladie, a co-développé un cadre de référence innovant : le parcours d’apprentissage patient. Cet outil regroupe les compétences, gestes et actions que les patients doiventmaîtriser tout au long de leur parcours de vie avec la maladie. Son objectif? Aider les personnes œuvrant en santé à mieux identifier ou développer les ressources en lien avec ces compétences, afin de répondre aux besoins réels. Il facilite ainsi la mise en relation entre les besoins d’apprentissage et les ressources disponibles.

Le numérique, un allié incontournable

Grâce aux avancées technologiques, ces parcours d’apprentissage peuvent être soutenus par des outils numériques. Ils sont alors perçus comme facilitateurs de l’autonomie des patients.  En effet, ces outils qui intègrent l’intelligence artificielle permettent d’offrir des recommandations personnalisées, de faciliter l’accès à des informations structurées et de suivre la progression des patients dans l’acquisition de nouvelles compétences. Une autre catégorie d’outils, comme les agents conversationnels, offrent un accompagnement en temps réel, tandis que des plateformes de suivi permettent aux patients de visualiser leur évolution et de mieux s’engager dans leur prise en charge. Elles aident notamment à la gestion des traitements en envoyant des rappels de prise de médicaments ou en permettant aux patients de documenter leurs symptômes. Par exemple, pour les personnes suivies en oncologie, certaines applications facilitent la gestion des effets secondaires des traitements et le suivi des rendez-vous médicaux​. Ces outils peuvent aussi être utilisés pour documenter l’évolution d’une maladie chronique, notamment en dermatologie, où les patients prennent des photos de leur peau pour suivre des changements.

Les applications mobiles peuvent également proposer des fonctionnalités de suivi des progrès, par exemple par des questionnaires, des bilans ou des jeux sérieux, qui permettent aux personnes soignées de visualiser leur apprentissages tout en favorisant l’engagement et l’adhésion au plan de traitement.

Loin d’être un simple gadget, le numérique devient ainsi un levier puissant pour soutenir l’autonomie des patients et renforcer leur rôle actif dans leur santé. 

Mais ces innovations sont-elles accessibles et adaptées à tous ?

Des promesses… et des limites

Si les outils numériques peuvent faciliter l’apprentissage des patients, ils posent aussi des défis. En effet, l’accessibilité et l’inclusion numérique restent des enjeux majeurs. Tousles patients n’ont pas les mêmes compétences numériques ni le même accès aux technologies. Certaines personnes, notamment les aîné.es, les populations en situation de précarité ou celles vivant en milieu rural, peuvent être exclues si les outils numériques ne sont pas pensés pour être inclusifs. Assurer une accessibilité universelle implique de concevoir des interfaces intuitives et d’offrir un accompagnement à leur utilisation.

Le risque serait de créer une fracture entre les personnes bien équipés et autonomes,ayant développé un certain niveau de littératie numérique, et donc capables d’exploiter ces outils, et celles qui continuent à dépendre uniquement du soutien médical traditionnel. Pour éviter cela, il est essentiel que les équipes soignantes soient formées à l’usage de ces technologies et puissent guider les patients dans leur apprentissage.

Enfin, l’adaptabilité et la personnalisation des outils sont des défis à long terme. Les besoins d’apprentissage évoluent au fil du temps, en fonction des avancées dans le domaine de la recherche médicale et des ressources disponibles. Un outil numérique efficace doit pouvoir s’adapter à ces changements et proposer des contenus évolutifs. Aujourd’hui, de nombreux outils restent encore standardisés, ce qui limite leur impact réel sur l’apprentissage. 

Ainsi, bien que le numérique représente un formidable levier pour soutenir l’apprentissage et l’autonomie des personnes patientes ou proches aidantes, son succès dépendra de sa capacité à être inclusif, à s’intégrer dans les pratiques de soins existantes et à s’adapter à leurs réalités.

Enfin, un autre enjeu non négligeable dans le développement d’outils s’appuyant sur l’intelligence artificielle, est le respect de la protection des données personnelles. Pour apprendre, ces systèmes doivent s’alimenter de données massives, et cela implique de s’interroger sur leur provenance. Un cadre éthique spécifique au domaine de la santé est à définir au niveau mondial pour que la machine n’altère pas la confiance des patients. Cette confiance passe par un respect de ses données, et par la qualité des interactions et des informations fournies. 

Trouver le bon équilibre

Le défi des prochaines années sera donc de trouver le bon équilibre entre technologie et accompagnement humain. Les outils numériques doivent s’adapter aux besoins réelsd’apprentissage des personnes patientes et proches aidantes et non l’inverse, afin derenforcer leur pouvoir d’agir, sans créer de dépendance à des solutions standardisées, tout en assurant un cadre d’interaction sécuritaire et fiable.

L’enjeu dépasse la simple innovation technologique : il s’agit d’inscrire ces outils dans une approche globale d’apprentissage. Alors, comment pouvons-nous collaborer pour façonner un avenir où le numérique renforce véritablement l’autonomie des patients, sans creuser davantage les inégalités en santé ?

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