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Le jeu en vaut-il la chandelle?

19 mars 2021

Henriot a écrit en 1969, « Le jeu n’est pas dans la chose mais dans l’usage qu’on en fait ». Les enseignants doivent voir dans cette réflexion, une invitation à utiliser le jeu afin de favoriser la réussite pour tous. 

C’est toute une mission à relever pour les enseignants qui sont confrontés à de nombreux défis dont l’impact des nouvelles technologies sur l’enseignement, le soutien aux élèves en difficultés et la motivation (des élèves et des enseignants eux-mêmes).  

L’enseignement par le jeu, notamment la ludicisation, comporte plusieurs avantages au niveau du développement cognitif et socio-affectif des élèves. Sans être une panacée, ce type d’enseignement pourrait venir insuffler un vent de renouveau afin d’aider les enseignements à relever les défis de l’enseignement au 21e siècle. 

Des définitions en évolution 

Il convient tout d’abord de distinguer les termes ludification et ludicisation. A priori, ces deux mots se ressemblent, mais la distinction est importante. La terminologie anglaise diffère selon les sources. Certains auteurs anglophones utilisent les mots gamification pour ludification et game-based learning pour ludicisation. D’autres utilisent gamification comme terme englobant, en le subdivisant en deux branches soit le Game-Centered Design (ludification) et le Human-Centered Design (ludicisation). 

La ludification 

La ludification, popularisée il y a maintenant dix ans, fait référence, dans le milieu de l’éducation,   

« […] à l’intégration à l’enseignement de différentes postures (règles, rôles, actions, etc.) et d’artéfacts (système de points, objets servant au jeu, etc.) des mécanismes traditionnellement associés aux jeux vidéo, visant à ajouter une touche ludique à une situation qui ne l’est pas nécessairement au départ ».  

Le terme ludification est maintenant davantage associé à la motivation extrinsèque puisque l’élève est stimulé par des facteurs externes comme la compétition, le gain de points et de badges ou encore par la peur d’en perdre.  

La ludicisation 

La ludicisation de l’apprentissage se veut une intégration du jeu (sous forme de jeu vidéo ou non) à des situations d’apprentissage. La notion de plaisir chez l’apprenant est importante. « Ludiciser l’apprentissage, c’est le rendre plus agréable, amusant et engageant en adoptant une attitude ludique ». La ludicisation se distingue de la ludification par le fait qu’elle encourage les apprenants à « explorer les facteurs de motivation humaine simulés par le jeu ». En d’autres mots, la ludicisation des apprentissages permet aux apprenants de développer davantage leur motivaton intrinsèque ce qui signifie que l’apprentissage en lui-même comme résultante est la récompense et non des facteurs extériurs comme des points ou des badges.  

Le développement de la motivation intrinsèque chez les apprenants est vital puisque la qualité des apprentissages en est directement influencée. En effet, ce type de motivation « […] favorise des processus cognitifs comme l’intensité de l’attention, la capacité de concentration, l’efficacité de la mémoire et le courage de s’aventurer dans l’inconnu et de prendre des risques. ». 

Les impacts positifs de la ludicisation.  

Le jeu peut aider l’apprenant à combler différents besoins d’accomplissement de soi qui en retour, l’aideront à développer sa motivation intrinsèque.  

Le renforcement de l’engagement, de la concentration sur la tâche et de la satisfaction générale par rapport à ses apprentissages. 

Lors d’une activité ludifiée, la liberté accordée aux élèves dans le choix de certaines modalités pédagogiques, par exemple le mode de présentation, encourage leur créativité et permet d’augmenter leur sentiment d’engagement dans la tâche. De plus, il est prouvé que les apprenants se sentent davantage engagés dans la tâche lorsque leurs apprentissages sont la résultante de leurs choix et de leurs décisions.  

Un autre élément qui peut favoriser l’engagement est l’atteinte de l’état de flow. L’état de flow est un qui a été défini par Mihaly Csikszentmihalyi dans les années 70 et qui se définit comme étant « un état d’activation [mentale] optimale dans lequel le sujet est complètement immergé dans l’activité ». Cet état de concentration maximale est très propice à l’apprentissage.  

Une plus grande autonomie de l’apprenant et l’augmentation de son sentiment de compétence 

Dans un jeu où les concepteurs ont déterminé à l’avance les composantes, les élèves peuvent explorer les activités ainsi qu’apprendre à leur rythme. Cela leur permet d’être plus créatifs dans leur façon de mobiliser différentes stratégies de résolution de problème. Les rétroactions fréquentes qu’offrent les activités de ludicisation, notamment dans les jeux vidéos, permettent aux apprenants de s’adapter constamment sans avoir peur à l’échec et ainsi augmenter leur persévérance et leur confiance en soi.  

Lorsque bien conçue, une activité pédagogique ludicisée contient des défis organisés selon une progression logique des apprentissages. Ainsi, les apprenants vivent des réussites constantes et restent motivés tout au long de l’activité. Ce sont les réussites qui entrainent le sentiment de compétence et par le fait même, une plus grande motivation. 

Développement de compétences sociales et personnelles (dont le sentiment d’appartenance et d’inclusion) 

Les activités de ludicisation offrent de nombreux avantages sur le plan socio-affectif. Ils permettent tout d’abord un enseignement inclusif puisque, selon les types d’activités, les apprenants ont une liberté de se présenter comme ils le souhaitent (selon un type d’avatar) ainsi que de choisir le type d’activités d’apprentissage, le rôle et le type de participation qu’ils veulent.  

En deuxième lieu, les jeux de groupe permettent aux élèves d’avoir des interactions sociales et des échanges constructifs notamment lors de jeux nécessitant de la coopération et de la collaboration.   

Les activités pédagogiques ludicisées permettent également aux apprenants de développer des compétences individuelles. Une étude de l’American Institue of Research, affirme que « l’apprentissage collectif répond aux besoins d’apprentissage personnels, puisque les joueurs qui éprouvent des difficultés sont soutenus par leurs pairs afin qu’ils puissent progresser dans le jeu ». Ainsi, chacune des joueurs bénéficie de la force du groupe.  

La ludicisation des apprentissages a le potentiel d’améliorer l’enseignement par compétences, type d’enseignement prôné par l’école québécoise. La ludicisation offre une foule d’avantages pédagogiques dont une amélioration de la motivation intrinsèque des apprenants et par le fait même, une plus grande rétention des apprentissages. Surtout, elle ramène à l’avant-plan le plaisir d’enseigner et d’apprendre. 

Autrice